Nouveaux concepts anatomiques pour une meilleure prise en charge des pathologies du rachis chez l'enfant et l'adulte

Avec 1600 chirurgies de la colonne vertébrale par an, le Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux est à la pointe des nouvelles techniques et technologies dans les pathologies rachidiennes. L’idée de ce cours d’anatomie est consécutive à la parution d’un ouvrage consacré à la colonne vertébrale paru en français et prochainement en anglais. L'imagerie médicale a sans aucun doute entraîné, ces vingt dernières années, une transformation radicale dans la façon d'aborder l’anatomie, le diagnostic et le suivi thérapeutique dans toutes les disciplines, l’orthopédie n’y a pas échappé.
Pr. Jean-Marc Vital – Chef de service d’orthopédie et de traumatologie – Groupe hospitalier Pellegrin, CHU de Bordeaux - Professeur des Universités en anatomie et orthopédie traumatologie, Docteur en Médecine, Docteur ès-Sciences. Membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine.

INVIVOX : Ce cours est orienté anatomie et pratique, en quoi les connaissances anatomiques au regard des dernières avancées techniques ont-t-elles évolué ?

Pr. Jean-Marc VITAL : La compréhension des phénomènes de croissance, de vieillissement, ainsi que les maladies qui vont avec, a beaucoup évolué ces dernières années grâce à l’imagerie et aux dissections de sujets d’âges différents. Nous avons progressé dans la prise en charge des personnes âgées surtout, mais aussi des enfants par le biais des collectes de malformations, de pièces d’âges différents. Nous comprenons mieux comment l’enfant grandit et l’évolution des maladies qu’il présente (scoliose, hypercyphose…). Un gros travail sur le vieillissement naturel de la colonne a été réalisé grâce à l’imagerie médicale avec en particulier le système français EOS qui permet de voir le squelette de la tête aux pieds,  et sans oublier l’IRM. Nous arrivons maintenant à étudier la croissance de l’enfant et le vieillissement du sujet adulte.

INVIVOX : D’où l’intérêt de revenir sur les connaissances fondamentales en anatomie du rachis, sur quelles parties allez-vous insister ?

Pr. VITAL : En terme d’anatomopathologie, nous aborderons ce qui est en lien avec la croissance : scoliose, cyphose, malformations congénitales ; ce qui est en lien avec le vieillissement : canal lombaire étroit, hernie, tassement porotique… Nous étudierons également l’équilibre sagittal du rachis avec une approche de l’ensemble debout et ainsi qu’en mouvement (anatomie fonctionnelle). Pour résumer le premier jour, nous étudierons la croissance, le vieillissement, la description de la colonne statique et mobile. La deuxième journée sera consacrée aux mêmes thèmes abordés au plan pratique avec les applications sur ordinateur, des démonstrations et des dissections sur pièces anatomiques.

INVIVOX : Quels sont les nouveaux concepts autour de la phylogénèse ?

Pr. VITAL : L’étude de l’évolution des espèces, en fait, n’a jamais été tellement décrite. C’est mon ancien patron, le Professeur Jacques Sénégas qui a démontré l’évolution extraordinaire qui s’est faite du poisson, qui est l’animal le plus ancestral, jusqu’au quadrupède et au bipède. L’aspect intéressant est que nous rencontrons parfois des maladies congénitales qui reproduisent ce qui s’est passé pendant des milliers d’années en terme d’évolution. Nous allons jusqu’à étudier la colonne des animaux d’où nous tirons de nombreux renseignements applicables à l’homme.

"Grâce à la phylogénèse, nous faisons des descriptions un peu théoriques et loin de notre réalité quotidienne pour comprendre pathologies et anomalies congénitales chez l’homme."

INVIVOX : Qu’apporte la connaissance des étapes de formation – croissance – vieillissement dans la compréhension des atteintes rachidiennes ?

Pr. VITAL : Une meilleure compréhension de la pathologie permet de mettre en adéquation les traitements. La médecine, c’est du bon sens. Bien comprendre les indications thérapeutiques et notamment chirurgicales est essentiel pour prendre la décision d’opérer ou pas. Pour la colonne, les alternatives sont assez simples : prise de médicaments, infiltration, port de corset ou opération.

"L’avantage que j’ai eu dans ma carrière a été d’être anatomiste et thérapeute. Ça permet d’avoir une base solide en raisonnement des traitements, et jusqu’aux traitements de kinésithérapie. Notre but est : mieux comprendre pour mieux traiter."

INVIVOX : Quels bénéfices les participants vont-ils tirer de l’utilisation du logiciel de simulation ?

Pr. VITAL : Ces logiciels permettent de calculer, avant l’intervention, ce que nous allons faire. Nous allons montrer les logiciels que nous utilisons en chirurgie pour corriger le déséquilibre sagittal et également des dissections de zones particulières avec les voies d’abords. L’accent sera mis sur les techniques mini-invasives dans le rachis et sur le logiciel de navigation qui permet d’insérer les implants le plus précisément possible. À partir des radiographies sur ordinateur, nous simulons l’intervention : s’entraîner, c’est prévoir. Les chirurgiens vont pouvoir se perfectionner.

Simulation ostéotomie par Surgimap.

INVIVOX : Quel est l’intérêt pour les non-chirurgiens d’assister aux travaux pratiques en salle de dissection ?

Pr. VITAL : La curiosité. Nous montrons de très belles images, de reconstruction 2D et 3D. C’est toujours intéressant de voir et comprendre ce qu’il se passe à l’intérieur. Une meilleure connaissance anatomique et mécanique amène à une meilleure prise en charge de ses patients, toutes spécialités confondues. Le but de cette formation est d’ouvrir des horizons.

Cône médullaire et queue de cheval.

INVIVOX : Le mix de professionnels de santé d’horizons divers offre un lieu d’échange où chacun apporte sa contribution et exprime ses besoins. En quoi cela peut-il améliorer la prise en charge des patients atteints de pathologies rachidiennes ?

Pr. VITAL : Les pathologies rachidiennes sont tellement compliquées que plus il y a multidisciplinarité et mieux cela ira. Les participants auront la parole donc les échanges et retours d’expérience vont être utiles pour chacun d’entre nous, y compris moi. Nous ne serons pas trop de plusieurs spécialistes pour faire le tour d’un sujet aussi complexe que la colonne vertébrale. La mixité est donc un réel atout. Un meilleur diagnostic en amont limite l’embolisation du service et contribue à l’amélioration du parcours de soin. Un praticien, s’il a une connaissance précise, n’enverra pas à tort en consultation spécialisée un malade. Nous voyons souvent des patients qui sont mal aiguillés par défaut de connaissance au départ. Il est toujours intéressant de connaître la cause anatomique du problème rencontré.

INVIVOX : Quelles sont les recommandations dans votre service pour enrayer le vieillissement de la colonne ?

Pr. VITAL : Nous croyons beaucoup au mouvement, à l’activité physique et au poids minimum. Le vieillissement semble moins agressif chez les sujets qui ont une activité physique régulière mais raisonnable. Moins il y a de contrainte et moins il y a d’usure. C’est valable pour l’activité professionnelle comme pour le sport. Il faut aussi tenir compte des facteurs génétiques : nous ne sommes pas égaux face au vieillissement. Nous allons envisager toutes les applications thérapeutiques à la lumière de nos connaissances anatomiques.

INVIVOX : Quels vont être les bénéfices pour les participants ?

Pr. VITAL : Ils auront une meilleure compréhension des pathologies et des traitements. Ils découvriront, grâce aux dissections, des zones anatomiques qu’ils ne connaissent pas nécessairement. Réunir des spécialistes d’horizons différents autour de l’anatomie de la colonne est une réelle opportunité pour appréhender les nouveaux concepts, les nouvelles techniques d’exploration. Tous les professionnels apprécient d’avoir des bases solides dans leur pratique quotidienne pour mieux soigner les malades.

INVIVOX : Votre service s’est beaucoup développé dans la chirurgie du rachis ces dernières années. Quelles sont les grandes orientations prises ?

Pr. VITAL : Nous tendons vers des techniques de plus en plus précises grâce à l’imagerie, aux instruments et de moins en moins agressives. Quand nous sommes amenés à opérer, c’est surtout pour décomprimer les nerfs, la moelle et pour stabiliser. Par exemple, nous avons été dans les premiers à utiliser des systèmes souples de fixation (des ligaments artificiels) qui stabilisent les vertèbres : ces traitements moins agressifs permettent d’éviter l’arthrodèse. Nous sommes dans l’ère du mini-invasif et de la navigation.

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