INVIVOX : Pouvez-vous nous présenter l’Institut Aquitain de la Main ?
Dr Elias SAWAYA : L’Institut créé en 2001, spécialisé dans la prise en charge des pathologies aiguës et chroniques de la main, a ouvert la marche en installant le premier SOS Mains non universitaire de Nouvelle Aquitaine accrédité par l'Agence Régionale de Santé (ARS) et en partenariat avec le CHU de Bordeaux.
Dr Benjamin SOMMIER : Les organisations SOS Mains constituent un réseau local de soins accrédité qui répond à un cahier des charges précis de l’ARS et de la FESUM qui implique de disposer d’une équipe de rééducation spécialisée et de pouvoir faire de la microchirurgie… Il y a des centres spécialisés dans la main mais qui ne sont pas agrées ; ils ne font donc pas de réimplantation de mains ou de doigts par microchirurgie faute d’unité de soins suffisante. Ils sont cependant importants dans le tissu global de couverture géographique de soins, même s’ils ne peuvent pas traiter les urgences de dernier recours, comme c’est notre cas.
INVIVOX : En quoi le fait de bien connaître le parcours patient pour un urgentiste ou un médecin généraliste est important dans la prise en charge d’un problème à la main ?
Dr B. SOMMIER : Si les urgentistes et les médecins généralistes sont en amont de la prise en charge, ils sont aussi en première ligne quand les patients sont de retour chez eux. Il est donc important de savoir ce qu’ils doivent faire avant de nous adresser les patients et après de bien comprendre les soins que nous avons réalisé. Bien entendu, de notre côté nous suivons, nous engageons les actes de kinésithérapie au moment adéquate mais nous ne gérons pas les problématiques d’arrêts de travail, de reclassements professionnels, d’activités de loisirs, d’adaptations à domicile…
Dr E. SAWAYA : Il est essentiel d’avoir des connaissances anatomiques de la main pour qu’au terme de l’examen clinique le praticien sache établir un premier bilan, faire les premiers soins et organiser une prise en charge optimale du patient. La couverture de la main est tellement superficielle que derrière une petite plaie peut se cacher un tendon coupé qui peut mettre six mois à se rééduquer, voir même amener à une impotence complète ou une amputation du doigt.
"« Si on connaît le centre, qu’on sait examiner et que l’on a quelques notions où s’arrêtent nos compétences et où démarrent celles d’un spécialiste, cela permet d’éviter les complications. »"
INVIVOX : La main étant très mobile et très vascularisée, pourquoi est-il important de revenir sur les connaissances anatomiques lors de la formation ?
Dr E. SAWAYA : La main, presque plus que tout autre organe, peut être diagnostiquée au travers d’une bonne connaissance anatomique. C’est un des rares organes où l’anatomie rend parfaitement compte de la fonction et où toutes les lésions des structures vont s’interpréter par un déficit fonctionnel.
Dr B. SOMMIER : Toute plaie de la main doit être explorée chirurgicalement exceptées les plaies superficielles mais ces dernières ne doivent être considérées comme superficielles qu’après un avis spécialisé, d’où l’intérêt d’avoir une connaissance de cette spécialité.
Dr E. SAWAYA : La main est une porte d’entrée aux contentieux médico-légaux, ce qui explique que notre spécialité est vraiment devenue une spécialité à part.
INVIVOX : Quel est le rôle du chirurgien orthopédiste dans la prise en charge de la main ?
Dr E. WELTZER : La grande spécificité des orthopédistes est centrée autour du carpe et du poignet qui représentent environ 10% de la chirurgie de la main. Nous sommes donc hyperspécialisés dans cette zone souvent délaissée. Nous traitons de fractures, de luxations, de lésions des ligaments en nous aidant souvent de l’arthroscopie. J’interviens plus spécifiquement dans cette formation dans la prise en charge du poignet traumatisé.
INVIVOX : Que pensez-vous du tandem chirurgiens plasticiens et orthopédistes spécialistes de la main ?
Dr E. WELTZER : Pour la pathologie du poignet que mes confrères plasticiens et urgentistes ne maîtrisent pas, nous sommes parfaitement complémentaires. Les plasticiens sont des spécialistes des parties molles, de la couverture, et nous de l’ostéosynthèse. C’est donc le binôme gagnant !
INVIVOX : Pensez-vous que le grand public et vos correspondants sont assez informés de votre existence ?
Dr B. SOMMIER : Jamais assez. La population médicale installée, quand l’institut a été créé, n’avait pas encore 60 ans, entre 2000 et 2015, et connaissait totalement notre existence. Ces dernières années, il y a eu un important renouvellement du tissus médical en Nouvelle Aquitaine et ces nouveaux correspondants ne connaissent pas tous notre structure et ses formations. Notre objectif est de continuer à pérenniser la bonne prise en charge des patients.
INVIVOX : Comment organisez-vous cet enseignement DPC ?
Dr E. SAWAYA : Après des rappels anatomiques, des cas cliniques typiques pour aborder les différentes orientations en fonction des pathologies, un questionnaire d’évaluation des connaissances, les participants rencontrent entre 10 et 25 patients adressés soit par le médecin traitant, soit par un service d’urgence, et qui ont eu leur premier bilan radiologique. Ils suivent l’interrogatoire par les infirmier(e)s spécialisé(e)s et l’examen de la plaie. Ils vont se rendre compte à quel point la notion de délai d’adressage est important. Ils suivent donc toutes les étapes jusqu’à la prise de décision d’opérer ou d’immobiliser. Ils pourront aussi, sur des fractures non opérées, rencontrer les orthésistes avec le patient et voir des immobilisations provisoires telles qu’ils devraient les faire dans leur pratique.
INVIVOX : Quelles techniques allez-vous présenter ?
Dr B. SOMMIER : Les participants, sous le postulat du hasard des urgences de la journée, vont observer la prise en charge la plus classique allant de la gestion d’une plaie superficielle, c’est-à-dire une simple consultation d’urgence en chirurgie de la main, à une technique microchirurgicale (réimplantation de doigts) en passant par des fractures. L’urgence n’est jamais prévisible. Une journée type peut aller de 20 à 60 urgences. En général, ils seront assurés de voir au moins une fracture, une plaie simple, un traumatisme fermé, souvent de la microchirurgie car nous avons toujours des nerfs à suturer. Pour la réimplantation, le traumatisme complexe, c’est plus rare. Ils assisteront au quotidien d’un chirurgien de la main qui prend des gardes dans un centre de référence de dernier recours.
INVIVOX : Quels gestes de premiers secours allez-vous apprendre aux participants ?
Dr E. SAWAYA : Cette question résume l’objectif du DPC. Il y a en définitive peu d’heures de cours dédiées à la main durant le cursus d’études d’un médecin généraliste, même d’un urgentiste, et encore moins de pratique. Les distances pour se rendre dans le SOS Mains le plus proche sont bien souvent une complication pour le médecin qui voit le patient traumatisé de la main en première intention, d’où l’intérêt de savoir faire les gestes de premiers secours et de connaître la stratégie de prise en charge adaptée : le bon diagnostic pour le bon adressage.
Nous allons apprendre aux participants à faire les premiers soins pour une main traumatisée (immobilisation, pansement type) et à prendre la décision d’adresser le patient immédiatement, le lendemain ou en urgence différée, avec au préalable la réalisation des examens nécessaires.
Dr E. WELTZER : Les premiers gestes face à un traumatisme du poignet sont : l’immobilisation, l’antalgie, le glaçage. Faire un diagnostic précis des lésions osseuses et/ou ligamentaires est souvent difficile… Le problème est surtout de ne pas passer à côté des traumatismes occultes du poignet : des fractures ou des ligaments lésés qui ne se voient pas aux radiographies et nécessitent des examens plus précis (scanner, arthroscanner, IRM).
INVIVOX : Quels bénéfices vont tirer les participants de cette formation ?
Dr B. SOMMIER : Ils vont parfaire leurs connaissances dans un centre expert, en établissant une relation personnalisée et permanente, auprès des équipes qui pourront les aider 24h/24 dans la prise en charge de leurs patients.
Dr E. WELTZER : L’urgence main est la plus fréquente des pathologies en urgence traumatique, elle pose problème à tous les urgentistes et les médecins de première ligne. Considérant le poignet, il induit souvent un déficit majeur dans le diagnostic et la conduite à tenir. Les participants auront donc toutes les clefs pour orienter correctement les patients. Nous rencontrons trop souvent des pathologies ligamentaires de fractures osseuses, notamment du scaphoïde, qui ne sont pas diagnostiquées faute d’une bonne prise en charge initiale, ce qui peut générer, des mois ou des années plus tard, de l’arthrose ou une impotence fonctionnelle chez les patients.
INVIVOX : En quoi cette formation DPC est unique en son genre ?
Dr E. SAWAYA : Par son originalité.
Dr B. SOMMIER : Nous sommes un des premiers centres à proposer l’apprentissage de la consultation et des gestes d’urgence dans un contexte de garde via ce type de formation DPC, urgence de la main.
Dr E. WELTZER : Le modèle est unique. C’est une vraie formation. Les participants n’y vont pas uniquement pour cumuler des points DPC. Ils ressortent de cette journée avec de solides connaissances pratiques.
INVIVOX : Quelle a été votre réaction/ressenti lorsqu’Invivox vous a proposé ce format unique de formation DPC ?
Dr E. SAWAYA : Cette plateforme française nous permet de faire connaître à grande échelle l’existence de nos formations et de nous mettre en relation avec des confrères que nous n’arriverions pas à identifier autrement. C’est simple pour tout le monde. Le formateur n’a qu’à donner ses dates de formation et le participant n'a qu’à regarder le programme et s’inscrire. Nous pouvons nous consacrer pleinement à la médecine. Nous perdons encore moins de temps du fait que ce soit DPC validant.
Dr E. WELTZER : Spontanément, j’ai pensé que c’était du travail en plus. Nos journées sont très chargées et lorsque nous nous occupons de former quelqu’un en plus, c’est toujours plus difficile ; mais au final, ça vaut la peine de s’investir dans le partage de connaissances car c’est très gratifiant.
INVIVOX : A quels besoins en formation répond cette journée de formation DPC ?
Dr E. SAWAYA : Tout repose sur la volonté des praticiens à se former. Pour les plaies de la main, urgentistes comme médecins généralistes en rencontrent systématiquement. Ce DPC est une réelle opportunité pour eux de connaître les grands principes de prise en charge et les gestes de premiers secours en s’imprégnant de notre organisation.
Dr B. SOMMIER : Ce DPC est la seule opportunité actuellement pour les médecins de se former. A l’hôpital, les formations sont complexes, avec des internes de plus en plus nombreux qui n’ont pas accès aux stages. Indirectement, ce type d’enseignement va permettre de diminuer l’errance diagnostic, le temps de prise en charge, les temps de récupération et donc de facto les coûts. Public et privé peuvent dans ce contexte travailler en bonne collaboration grâce à une bonne identification de tous les acteurs de la chaîne : de la prise en charge globale jusqu’à la rééducation.
INVIVOX : Pensez-vous que ce format révolutionne le compagnonnage médical ?
Dr B. SOMMIER : Il ne le révolutionne pas, il le facilite. Le compagnonnage, quand vous mettez deux médecins ensemble, a toujours été le même. Le problème est d’arriver à les réunir. Invivox facilite la rencontre des médecins.
Dr E. SAWAYA : Toute la logistique en amont, la mise en contact…, ce sont les équipes d’Invivox qui gèrent pour nous… À l’ère du numérique, nous disposons d’outils qui permettent de mettre en contact des personnes du monde entier, à n’importe quel moment de la journée. Invivox aide à la mise en rapport des professionnels de santé, sachant que le compagnonnage est la base de notre formation et de notre épanouissement professionnel. Nous pouvons désormais nous appuyer sur ces outils numériques qui facilitent la mise en relation et l’organisation des formations.
Dr E. WELTZER : Le format proposé est assez rare : sans être révolutionnaire, il est plutôt unique.
INVIVOX : Quels étaient les freins à la formation continue jusqu’à présent ?
Dr B. SOMMIER : Les obstacles majeurs étaient : la difficulté à identifier les bonnes cibles, leur accessibilité et les démarches administratives inhérentes à la création de formation DPC. Invivox nous permet d’avoir la cible et de s’affranchir des travers administratifs. Aujourd’hui, si je veux valider une formation DPC, c’est vers Invivox que je me tourne.
Dr E. WELTZER : Le manque de temps. Invivox nous décharge de l’organisation. Avant Invivox, nous n’aurions jamais pu envisager d’assurer ce type de formation aussi sereinement.
INVIVOX : Comment voyez-vous l’avenir de la formation continue à l’heure du numérique ?
Dr B. SOMMIER : La formation continue passera par des plateformes de mises en relation où l’information est facile d’accès en délivrant immédiatement les dates et disponibilités des formations, je trouve cela très utile. Cela n’efface pas le contact humain. Je suis un fervent défenseur de la formation « in situ » et un opposant à la formation numérique pure derrière un ordinateur.
INVIVOX : Votre succès repose-t-il sur la complémentarité des équipes ?
Dr E. SAWAYA : Nous sommes une des rares équipes en France, et la tendance est au recul, à avoir une parité totale. Nous sommes 8 chirurgiens dont 4 plasticiens et 4 orthopédistes qui ont tous les compétences et le titre de spécialistes de la main et les diplômes de microchirurgie et de chirurgie des lambeaux. Mais la spécificité chirurgicale de chacun est très différente. Le mode d’exercice global est identique et on se complète sur énormément de techniques chirurgicales. Au sein d’une même garde, un confrère orthopédiste peut être appelé pour compléter une prise en charge chirurgicale plus complexe que prévue. Le compagnonnage a lieu même entre nous malgré plusieurs années d’exercice. Notre objectif est vraiment la rapidité et la qualité des soins : le patient arrive, nous le voyons en consultation, nous l’opérons, nous préparons les soins postopératoires. Tout est cadré pour son médecin traitant avec une identification, un compte rendu opératoire, les coordonnées des kinésithérapeutes et c’est grâce à la complémentarité et à la compétence des équipes.
INVIVOX : Qu’est-ce qui vous motive à enseigner?
Dr E. WELTZER : Dans le privé, nous opérons sans répit. Nous échangeons finalement assez peu, à part avec les équipes et les patients. Transmettre à nos confrères permet de sortir du quotidien et de contribuer à notre modeste échelle à une meilleure prise en charge. Nous avons tous été des chefs de clinique, donc nous avons tous dispensé des cours à l’hôpital : c’est finalement ce qui nous manque quand nous nous installons dans le privé. Revenir à la formation grâce à Invivox, c’est vraiment très sympa !