Entretien avec Yannick Trescos, pharmacien militaire, président de l’association MentalTech France, co-fondateur de ResilEyes Therapeutics 

"Pour des solutions numériques en santé mentale éthiques et utiles"

💬 En quoi la prise en charge de la santé mentale doit-elle être, selon vous, une priorité en 2023 ? 

La pandémie a causé énormément de souffrances psychiques et les conséquences du confinement sur la santé mentale ont été largement médiatisées. Cela a permis une prise de conscience d’une réalité bien antérieure au Covid-19 : la santé mentale est un champ négligé dans notre système de santé, c’est souvent la dernière roue du carrosse. Les effectifs de professionnels manquent - il faut souvent des mois d’attente pour un rendez-vous en pédopsychiatrie, par exemple -, l’état psychique des professionnels de santé se dégrade comme celui de la population générale… La santé mentale ne doit pas être une priorité spécifiquement en 2023, elle devrait l’être en permanence et au sein de chaque consultation, quelle qu’en soit le motif. 

C’est dans cet esprit que depuis trois ans, émergent des solutions numériques en santé mentale. Et que nous avons créé l’association MentalTech France en mars 2022. 

💬 MentalTech France a dévoilé en septembre une cartographie (ci-dessous) des “solutions numériques robustes et utiles françaises en santé mentale". Quels enseignements doit-on en retenir ? 

Nous constatons tout d’abord que l’écosystème de la santé mentale est très large, allant du bien-être aux solutions très médicalisées. Ces acteurs s’investissent dans le repérage des difficultés psychiques, le soutien aux patients, les compagnons numériques, le télésuivi… La cartographie les classe en trois catégories : Prévenir, Guérir, Soutenir. Plus de la moitié des solutions interviennent en prévention, ce qui est un signal fort : la prévention en santé mentale est indispensable. La prévention à court terme, mais aussi la prévention à long terme. On sait maintenant, par exemple, qu’un seul traumatisme durant l’enfance triple le risque de troubles mentaux à l’adolescence et à l'âge adulte.

Avec cette cartographie, nous montrons aussi le besoin de s’unir pour faire valoir le bénéfice de chacun à prendre soin de la santé mentale. MentalTech France accueille ceux de ces acteurs prêts à souscrire à certains engagements : une éthique du numérique, le respect des données de santé, la présence de professionnels de santé dans les équipes, la création d’un comité scientifique. 

💬 Qu’en est-il du “cahier de tendances” en santé mentale que vous venez de publier ?  

Nous avons auditionné 16 experts de la filière - institutionnels, entrepreneurs, chercheurs, professionnels de santé - sur les tendances 2023. Ceux-ci ont décrit 10 innovations technologiques impactantes : la réalité virtuelle/réalité augmentée et métavers ; le "web 3" (ou web décentralisé) et la blockchain ; les objets connectés ; la reconnaissance faciale et vocale ; l'UX design (ou design de l'expérience utilisateur) ; les réseaux sociaux ; la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (RTMS) ; les chatbots, les thérapies numériques et le phénotypage digital.

Notre objectif est ainsi de montrer qu’il y a des innovations dans notre secteur, dont certaines validées cliniquement, avec un bénéfice pour le patient, les institutions et les professionnels de santé. 

Promouvoir et déployer des solutions numériques éthiques, apporter des éléments d’information à l’écosystème, nourrir la réflexion et dialoguer avec les autorités sanitaires : tout cela fait partie de l’ADN de notre association. 

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