Entretien avec Stefane Hedont Hartmann, infirmier, membre du comité de l’Ordre national des infirmiers, directeur des soins et hygiène Korian-EU, président du club "Sustainable business” de l’ESSEC. 

"La formation des professionnels est indissociable des projets de RSE"

💬 Pouvez-vous rappeler ce qu’est la RSE ?  

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) redéfinit les contours des modèles d'affaires en intégrant des engagements en lien avec le développement durable au sein des organisations. La RSE se décline autour de 3 grands piliers : Environnemental, Social/Sociétal et Gouvernance.

💬 Quels sont les enjeux RSE déjà bien connus des organisations de santé ? 

Les organisations de santé ont de facto une délégation de mission publique par le ministère de la Santé. Elles sont investies dans la RSE de manière intrinsèque, avec leur vocation d’accompagnement et de soins aux populations vulnérabilisées par un problème de santé.  

En matière de gouvernance, les établissements de santé collaborent avec les pouvoirs publics à toutes les mailles du territoire : le maire siège au conseil d’administration de l’hôpital et est garant de la sécurité de fonctionnement dans le médico-social,  la Haute Autorité de santé (HAS) régit les recommandations de bonnes pratiques, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) délivre et suit les agréments, l’agence régionale de santé (ARS) et le département contrôlent et financent l'activité de soin… Cette gouvernance public-privé est de nature à inspirer les autres entreprises.   

On peut aller plus loin, en développant la représentation de toutes les parties prenantes au sein des comités d'établissements avec les représentants des usagers, les associations et les citoyens. Au niveau des outils, il s’agit de promouvoir les enquêtes de satisfaction, la gestion des plaintes, la transparence avec les autorités de tutelle (par exemple, l’information relative aux événements indésirables associés aux soins). 

Nous avons donc une expérience déjà acquise en matière de RSE, qu’il faut renforcer sur la partie environnementale (impacts), monitorer et valoriser.  

💬 Qu’en est-il des piliers Environnemental et Sociétal ? 

L’aspect environnemental est davantage nouveau pour nous. C’est devenu un enjeu stratégique : chez Korian, on choisit de travailler avec les acteurs locaux, d’acheter en circuit court, on réfléchit à rénover nos installations énergétiques pour consommer moins et aussi sécuriser la production d’énergie (au lieu d’acheter le moins cher possible). La consommation d’eau et la gestion des déchets sont aussi concernés. En matière sociétale, tout l’enjeu est de recruter et fidéliser du personnel qualifié. Il s’agit donc de proposer des plans de carrière, des outils de formation continue pour maintenir les compétences de nos personnels s’occupant des patients, mais aussi aider des aides-soignants à devenir infirmiers par exemple. 

La RSE peut aussi consister, dans nos organisations, à aider socialement les salariés, souvent des femmes, en prenant en compte le risque de paupérisation, en prévenant les violences faites aux femmes, voire en s’intéressant à leurs conditions de transport depuis leurs logements loin des grandes villes… 

Tout cela relève notamment d’une évolution des mentalités des managers, lente mais déterminante.  

💬  En quoi la formation des professionnels de santé est-elle un levier de tous ces progrès ? 

La formation permet de proposer des parcours qualifiants et attractifs : salaires, carrières, quête de sens. 

Notre Korian Academy existe depuis une quinzaine d’années, afin de permettre les évolutions professionnelles et de répondre à l’obligation de développement professionnel continu (DPC). Le profil de nos patients a changé : ils relevaient autrefois de la gériatrie, aujourd’hui on parle de neuro-gériatrie, avec souvent des maladies neurodégénératives à des stades avancés. Désormais une aide-soignante (AS) experte en nursing, doit savoir gérer les troubles du comportement, identifier les changements cliniques associés aux démences. L’AS ne peut être donc être laissée seule tout de suite, elle doit être accompagnée et formée ! C'est ce qui est entrepris depuis 8 ans avec les formations sur les thérapies non médicamenteuses dans les 7 pays européens où le Groupe est implanté.   

Nous travaillons également sur les passerelles transsectorielles : une caissière de supermarché peut vouloir devenir AS, une AS peut devenir infirmière, l’infirmière peut devenir infirmière en pratique avancée (IPA)... 

Enfin, outre cette stratégie concernant des contenus qualifiants, nous venons de développer des “mandatory training” non qualifiants obligatoires : 10 modules sur les basiques, notamment l’hygiène (lavage des mains, équipements de protection individuelle (EPI), port du masque), la vaccination, la nutrition, la gestion des plaies, de la douleur (physique et psychologique), l'hydratation, la continence, la déclaration des événements indésirables. Déployés dans les 7 pays, ces modules de formation sont sur support numérique, dans des formats de moins de 20 minutes. Ils rappellent les bases pour en faire des réflexes et donnent lieu à des discussions d’équipe, pilotées par un professionnel de santé qualifié. 

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