"“Le binôme médecin traitant - IPA est la solution à la pénurie de médecin”"
💬 En quoi les infirmiers en pratique avancée (IPA) pourraient-ils constituer l'une des réponses au défi de l'accès aux soins des Français ?
Il y a en France 6 millions de patients sans médecin traitant, la durée moyenne pour obtenir un rendez-vous est supérieure à 1 semaine dans les milieux ruraux et les urgences hospitalières sont régulièrement débordées. Or nous sommes désormais 2000 IPA ayant été formés à réaliser une anamnèse, un examen clinique, et à émettre des conclusions cliniques. Nous pouvons réaliser des missions de prévention, de dépistage, d'orientation et d'éducation que nous jugeons nécessaires. Et nous pouvons réaliser des actes techniques jusqu'alors réservés aux médecins.
Malgré ces compétences élargies, nous n’avons pas d’accès direct au patient car ils doivent être préalablement confiés par le médecin. En matière de soins non programmés, les IPA ont le droit de faire des sutures cutanées ou de prescrire des dépistages sanguins et urinaires de MST par exemple, mais les patients se retrouvent orientés vers les urgences hospitalières ou des maisons médicales de garde au lieu d’accéder aux IPA.
Donc en effet, les IPA pourraient répondre en soins primaires, à des besoins d’accès aux soins non programmés, si leur intervention n’était pas conditionnée à l'accord du médecin mais plutôt à la volonté exclusive du patient.
💬 Quels sont les obstacles au développement de la profession d'IPA et pourquoi les IPA en libéral sont-ils en situation de précarité ?
Dans le monde libéral, chacun a sa patientèle. Or les IPA n’ont pas de patientèle, car celle-ci est soumise à celle du médecin. Si le médecin avec lequel le protocole a été signé ne veut plus travailler avec l’IPA, cesse son activité ou déménage, l’IPA perd immédiatement sa patientèle.
La solution serait de considérer l’activité en ville comme relevant d’un fonctionnement en binôme médecin traitant - IPA. Pour toutes les missions relevant de l’IPA, un accès direct devrait être mis en place. L’IPA procéderait à l’examen clinique, et à partir des conclusions cliniques de l'IPA, le médecin définirait la conduite diagnostic et le choix thérapeutique, que l’IPA mettrait en œuvre.
L’avenant 9 à la convention infirmière, signé en juillet avec l’Assurance maladie et applicable début 2023, devrait faciliter les choses en créant au côté de la filière principale que constitue le suivi régulier de patients chroniques, une filière secondaire permettant à l’IPA libéral d’intervenir « dans le cadre d’une prise en charge ponctuelle (bilan ou séance de soins ponctuels IPA) » chez des patients non chroniques.
Nous espérons aussi des avancées sur la primo-prescription, car aujourd’hui on ne peut pas prescrire des soins infirmiers à domicile ni un bon de transport par exemple, sans repasser par le médecin. Ainsi un IPA qui travaille dans un cabinet de neurologue en ville, ne peut prescrire de bon de transport pour le patient hémiplégique qu'il suit. Le patient doit demander au médecin neurologue un bon de transport pour consulter l'IPA.
💬 Quels sont les enjeux en matière de formation continue des IPA ?
Il s’agit d’une vraie problématique car il n’existe pas de formation continue adaptée à notre nouvelle profession. Les formations pour les infirmiers diplômés d’Etat (IDE) ne nous correspondent pas. Il nous faut des formations ciblées sur les pathologies, les prescriptions, les dépistages, les médicaments, les raisonnements cliniques.
Tout est donc à créer. La SoFRIPA peut émettre des recommandations de bonne pratique, des préconisations d’exercices. A partir de là, le conseil national professionnel des IPA (CNP IPA) pourra définir des axes de formation permettant la mise en œuvre de ces recommandations.
Mais il est vrai qu’à ce jour, la priorité des représentants de la profession reste les questions d’installation et de conditions d'exercice pour déployer et pérenniser les IPA sur le territoire français !