3 questions au Pr François Cotton, responsable du pôle d’imagerie des Hospices civils de Lyon (HCL), président des Journées francophones de radiologie (JFR) 2022

"La santé numérique, l’intelligence artificielle et la radiologie interventionnelle sont au cœur de l’actualité des radiologues"

💬 Quel bilan faites-vous des JFR 2022, qui ont eu lieu à Paris en octobre ?

C'était le congrès marquant le retour en présentiel, avec plus de 11 000 personnes présentes et 13 000 inscrites. Le thème principal était la place de la radiologie dans le parcours des patients (dépistage, diagnostic, hébergement et partage des données, traitement, suivi, prédiction). Une des thématiques importantes était le numérique en santé, avec notamment la participation d’Olivier Clatz (responsable du programme Ségur numérique au ministère de la Santé) et des sujets comme le stockage de données, le partage sécurisé des données, la cybersécurité. Les radiologues font partie des pionniers sur les données de santé, avec les biologistes.

S’agissant de l’intelligence artificielle, les surfaces d’exposition ont doublé cette année dans un village dédié. L’IA s’impose dans la détection de fractures, de nodules pulmonaires, pour la caractérisation de tumeurs en cancérologie, l’évaluation de la réponse aux traitements, et se dessinent des modèles de prédiction. L’IA est définitivement là pour aider le radiologue et non le remplacer, c’est assez clair maintenant. L’IA détecte ce qu’on lui a appris à détecter, puis l’expertise médicale intervient pour valider les résultats de l’IA avec une vision plus globale, plus adaptée aux évolutions technologiques et davantage de temps disponible pour le patient, c’est très bien au final.

La radiologie interventionnelle avancée était aussi à l’honneur, avec l’essor de la simulation, de la robotique (un nouveau robot vient d’être installé sur les HCL), de nouvelles technologies d’embolisation, une collaboration avec le CNES (“Mission to Mars”) pour évaluer les interventions possibles dans l’espace pilotées par la terre… Après les décrets en neuroradiologie interventionnelle incluant l’organisation de la thrombectomie mécanique, la radiologie interventionnelle fait l’objet d’un tout nouveau décret (n° 2022-1238 du 16 septembre 2022) avec 4 niveaux.

L’organisation des soins dans les territoires a été également au menu, avec la question des déserts médicaux, la place de la téléradiologie, de la téléexpertise, le danger de la financiarisation, les plateaux d’imagerie médicales mutualisés et l’articulation privé - public.

Enfin, parmi les autres focus nous pouvons citer la pédiatrie (manque de radio-pédiatres), la neuro-radiologie, les urgences radiologiques, l’éthique et l'intimité lors de l’examen.

💬 Quels seront les sujets phare de la profession, selon vous, en 2023 ? 

Pour les citer rapidement :

  • Le parcours patient : la radiologie intervient à de nombreuses étapes et doit affirmer et formaliser sa place dans les situations d’urgence, la prise en charge des maladies chroniques, et de chaque pathologie (notamment de grandes questions de santé publique comme l’endométriose, les troubles psychiatriques, l’Alzheimer…) ;
  • L’ouverture de lits pour la radiologie interventionnelle, notamment en cancérologie ;
  • Les embolisations qui ouvrent des perspectives énormes, récemment en pathologie ostéo-articulaire et en bariatrie ;
  • La télémédecine ;
  • La création des plateaux d’imagerie médicale mutualisés (PIMM) ;
  • L’évolution des métiers, la pénurie de manipulateurs et en partie liés à Parcoursup, les abandons d’étudiants en cours de formation ; 
  • Les équipements innovants : angiographies couplées au scanner, scanner spectral et à comptage photonique, IRM très haut champ hybride recherche et clinique 7 Tesla ;
  • Le risque de financiarisation, c'est-à-dire de rachat des cabinets par de grands groupes privés. Les radiologues doivent être vigilants et solidaires.

💬 Quelles sont les priorités des radiologues en matière de formation ?

S’agissant de la formation initiale, la maquette du DES de radiologie est finalisée grâce au travail du Collège des enseignants en radiologie française (CERF) avec 6 ans de formation comme en chirurgie pour l’interventionnel.

Pour ce qui est de la formation continue, les webinars organisés en fin d’après-midi ont du succès, les ateliers en région et le congrès en présentiel aussi, les confrères ont besoin de se voir.

La Société française de radiologie (SFR) et les sociétés d'organes organisent des ateliers sur la radiologie interventionnelle, les thématiques de diagnostic, des pathologies comme le cancer du sein. Des formations sur le suivi des patients et l’implication des radiologues dans les grandes questions de santé publique, seraient à développer.    

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