Entretien avec le Dr Pierre Simon, ancien président-fondateur de la Société Française de Télémédecine

"La téléconsultation peut devenir un réel complément de la consultation présentielle pour les patients atteints de maladies chroniques"

💬 Un amendement voté dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (PLFSS 2023), conduit à mettre fin à la téléconsultation solo à domicile. Comment réagissez-vous ?

La proposition visant à renforcer l’accompagnement de patients âgés, souvent illectroniques, lorsqu’ils font une téléconsultation, était légitime. Mais cela a dérapé en un texte de loi dans le Code de la Santé publique stipulant que toute consultation non accompagnée sera exclue et non remboursée par la Sécurité sociale. 

Les enquêtes montrent, en 2020 et 2021, que l’usage “solo” de la téléconsultation concerne majoritairement une population jeune dans une situation de mobilité ou en télétravail. Ainsi 83% des téléconsultations durant ces deux années, ont concerné des citoyens de moins de 39 ans. Le service rendu est plutôt social, la téléconsultation permet de ne pas se déplacer. Dès lors, doit-on mettre la téléconsultation “solo”, même si celle-ci est effectuée avec son médecin traitant, au banc des accusés ? Je pense que ce serait une erreur. 

Selon les recommandations de la HAS, la bonne pratique est d’alterner la téléconsultation avec les consultations présentielles. L’avenant n°9 à la convention médicale prévoit que la part des téléconsultations dans l’activité d’un médecin ne doit pas dépasser 20%. Je serais partisan de fixer ce plafond à 50%, afin que la téléconsultation devienne un réel complément de la consultation présentielle pour les patients atteints de maladies chroniques. 

L’Assurance maladie a recensé 20 millions de téléconsultations en 2020, puis 16 millions en 2021, et la projection 2022 est de 14 à 15 millions. Les téléconsultations ne doivent pas devenir un produit de consommation, il faut les encadrer. Mais attention à ne pas freiner l’accès aux soins de certaines populations en les limitant plus que de raison. 

💬 Egalement prévue dans le PLFSS 2023, la création d’un agrément pour les plateformes de téléconsultation réglera-t-elle la question des éventuels abus ?

Le LET (Les Entreprises de Télémédecine), qui représente une trentaine de plateformes, s’est prononcé en faveur de cet agrément. 

Pour rappel, ces plateformes ont été initialement autorisées en 2012-2013 à titre expérimental, pour beaucoup d’entre elles par l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France. Elles se sont retrouvées en difficulté quand a été introduit l’avenant 6 à la convention médicale, lequel impose que les téléconsultations soient territorialisées. Autrement dit, parce qu’une téléconsultation peut déboucher sur le besoin d’une consultation présentielle avec le professionnel de santé, le développement de plateformes nationales avec des professionnels téléconsultant à longue distance, est exclu.  

Il semble logique que les plateformes interviennent au sein des territoires de santé, en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), le service d’accès aux soins (SAS) etc. On doit pouvoir trouver une entente afin d’améliorer l’accès aux soins dans les territoires. 

De plus, maintenant que chaque citoyen dispose de son dossier personnel en ligne "Mon espace Santé”, il serait logique que toute téléconsultation soit approuvée à condition que le citoyen ait accepté la création de son espace, et que le compte rendu de téléconsultation soit versé directement dans cet espace, ainsi disponible pour le médecin traitant. 

💬 En quoi les pratiques combinées de téléconsultation et télésurveillance sont-elles efficaces dans la prise en charge des maladies chroniques ? 

On peut aujourd’hui combiner ces pratiques dans des parcours de soins coordonnés, permettant des prises en charge personnalisées. Dans le cas d’une personne à domicile télésurveillée pour son diabète, une solution peut permettre au médecin traitant ou spécialiste de faire une téléconsultation, et à un infirmier de faire un télésoin. En néphrologie, quand on suit des patients dialysés ou transplantés, on associe surveillance, téléconsultation, et téléexpertise si besoin d’un autre avis. Idem dans le suivi post-AVC. 

Ces pratiques combinées de télémédecine ont démontré leur efficacité. 

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