"En cardiologie hospitalière et libérale, l’IPA a toute sa place"
Sujets d’actualité (télésurveillance de l’insuffisance cardiaque, rôle de l’infirmier en pratique avancée) et thématiques prioritaires de formation : le Dr. Marc Villaceque répond aux questions d’Invivox.
💬 En quoi la pérennité de la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque est-elle remise en question ?
L’ensemble des cardiologues et les associations de patients ont adressé fin janvier une lettre ouverte au Président de la République, pour l’alerter sur les conditions actuelles du passage en droit commun de la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque. Le décret n° 2022-1767 du 30 décembre 2022 en particulier, relatif à la prise en charge et au remboursement des activités de télésurveillance médicale, risque en effet de compromettre gravement la faisabilité de cette télésurveillance, au détriment des patients concernés. Concrètement, ce décret augmente la charge administrative, transfère des tâches aux soignants utilisateurs qui étaient jusque-là assurées par l'exploitant industriel, et instaure pour les deux parties des rémunérations insuffisantes. Les difficultés des négociations ont d’ores et déjà provoqué le retrait du marché de l’industriel leader historique en France.
Si on continue sur cette voie, il va être difficile de maintenir la télésurveillance des patients, qui a pourtant fait la preuve de son efficacité.
💬 Alors que la question de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) est au cœur de l’actualité, quel rôle joue l’IPA en cardiologie ?
L’infirmière en cardiologie (voir ce numéro d’Innov’cardio) joue vraiment le rôle prévu dans sa formation, celui de suivre des patients avec des maladies chroniques stables. Les patients insuffisants cardiaques sont entre 1,5 et 2 millions en France, les patients coronariens plus d’1 million. L’IPA fait l'éducation thérapeutique, adapte les traitements selon l’âge, prescrit l'activité physique, s’assure de l’observance des médicaments. En cardiologie libérale et hospitalière, elle a toute sa place, les médecins ont l’habitude de déléguer. Les recommandations très précises dans notre spécialité avec des cibles - par exemple, un taux de cholestérol qui doit être inférieur à 0,55 g/L chez un patient coronarien - facilitent cette délégation.
💬 Les Journées européennes de la Société française de cardiologie (JESFC) ont eu lieu du 17 au 19 janvier à Paris. Quelles étaient les thématiques principales ?
Les messages clés du livre blanc du Conseil national professionnel de cardiologie (« Profession Cardiologue : Enjeux et recommandations pour la cardiologie de demain ») ont été présentés : il faut augmenter le nombre de cardiologues, s’investir dans la permanence et la continuité des soins, aller plus loin dans la délégation de compétences et d’activités, faire plus de recherche. Chaque année, 220 cardiologues partent à la retraite et 195 internes seulement sont formés, alors que la cardiologie est la première spécialité médicale choisie à l’internat.
La simulation était un autre thème fort, de même que l’évolution de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque avec des médicaments de plus en plus efficaces et de nouveaux modes organisationnels.
Les dernières recommandations européennes qui vont changer nos pratiques, ont également alimenté les discussions : sur la cardio-oncologie (impact sur le cœur des traitements contre le cancer), la chirurgie non cardiaque (évaluation avant opération), les troubles du rythme majeurs et la mort subite, l’HTA pulmonaire.
💬 Quels sont les thèmes prioritaires des cardiologues en matière de formation continue, selon vous ?
Je pense à l’insuffisance cardiaque avec les nouveautés thérapeutiques et organisationnelles (prise en charge dans une CPTS, gérer les décompensations en hôpital de jour, faire des injections de fer en HAD, utiliser des infirmières protocolisées en insuffisance cardiaque pour gérer ces patients avec une certaine autonomie, télésurveillance).
Le traitement du cholestérol également, qui est de plus en plus complexe : de journalier il est devenu mensuel, il sera bientôt pluri-mensuel avec de nouvelles molécules visant à atteindre la valeur cible.
Quant aux dernières recommandations européennes, comment mettre en musique ces textes officiels de 70 pages avec des arbres décisionnels, comment les décliner pour le cardiologue en situation, dans son cabinet en présence du patient ? Des formations seraient les bienvenues.
💬 Quelles sont vos attentes à l’égard des industriels en matière de formation ?
La formation validante de type DPC et la certification périodique obligatoire (dont la mise en œuvre prévue cette année a pris du retard), excluent les industriels et les laboratoires. Moins d’un tiers des médecins font leur DPC, et la priorité serait qu’ils s’y mettent.
En dehors de ces formations validantes, nous avons déjà beaucoup d’informations (cardio-online.fr, Cardiologie Pratique…). Mais si un industriel est capable de se démarquer avec une offre gratuite de qualité dans des formats innovants, interactifs, faciles d’accès à toute heure, pourquoi pas.
Propos recueillis par Catherine Holué