Endométriose : l’importance des professionnels de santé de premier recours dans le parcours de soins

« Nous menons une course contre la montre pour optimiser le parcours de soins en endométriose »


Le Pr Sofiane Bendifallah est expert en chirurgie de l'endométriose et des cancers gynécologiques à l’Hôpital Américain de Paris. Il va proposer sur Invivox des réponses concrètes aux 100 principales questions des professionnels de santé de premier recours sur l’endométriose.

💬 En tant que praticien expert de l’endométriose, à quel moment de leur maladie prenez-vous en charge les patientes ?

Elles nous sont adressées par des professionnels de santé, des centres experts ou viennent nous consulter d’elles-mêmes. Selon les cas, nous intervenons au moment du diagnostic, de la prise en charge thérapeutique (médicale et/ou chirurgicale), de la préservation de la fertilité ou de la gestion de l’infertilité. Le nombre de patientes diagnostiquées va augmenter. La sensibilisation du grand public, la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose et l’amélioration des méthodes de diagnostic expliquent cette hausse à venir. 

"10 à 15% des femmes en âge de procréer sont concernées par l’endométriose. 40 à 50% des femmes infertiles le seraient en raison de l’endométriose."

💬 Pourquoi souhaitez-vous partager certaines connaissances sur l’endométriose avec les professionnels de santé de premier recours ?

Pas moins de 10 à 15% des femmes en âge de procréer sont concernées. Je ressens le besoin de contribuer à la sensibilisation et à la pédagogie autour de ce problème de santé publique. L’information et la formation doivent permettre de diminuer l’errance diagnostique et les défauts de prise en charge, d’améliorer l’accompagnement des patientes, la prise en charge de la douleur et la préservation de la fertilité. Les professionnels de santé de premier recours sont la pierre angulaire du parcours de soins en endométriose. Les médecins généralistes, les gynécologues de ville et les sage-femmes sont les premiers interlocuteurs des femmes qui souffrent, il leur revient donc de déclencher les examens adéquats, d’orienter vers la bonne filière de soins et de raccourcir le diagnostic. Nous menons une course contre la montre pour optimiser ce parcours de soins et la qualité des soins pour ces patientes.       

"Les professionnels de santé de premier recours sont la pierre angulaire du parcours de soins en endométriose."

💬 En tant que contributeur de la plateforme Invivox, à quel type de questions allez-vous répondre ?

Je vais répondre à des questions simples que se posent les patientes et les praticiens. Notamment : quels sont les symptômes évocateurs d’endométriose ? Comment réduire la douleur liée à cette maladie ? Comment améliorer la fertilité d’une jeune femme concernée ? Comment trouver des solutions à une errance diagnostique ? Au total, je répondrai aux 100 principales questions sur le sujet, sous forme de courtes vidéos disponibles progressivement. 

A chaque fois, l’objectif sera de communiquer des données scientifiques à haut niveau de preuve tout en les rendant concrètes, de faire un lien entre la science et la pratique quotidienne. L’aide concrète au diagnostic, la gestion de la douleur, l’optimisation du traitement médical, la prise en charge chirurgicale, l’adressage des malades et l’optimisation du parcours de soins, la gestion de la fertilité (préservation ou accompagnement des couples infertiles) seront les thèmes abordés. 

💬 La stratégie nationale de lutte contre l’endométriose annoncée en janvier 2022 vise notamment à réduire l’errance diagnostique des patientes (7 ans en moyenne). Le nouveau test diagnostic salivaire qui pourrait être proposé dès 2025, est-il la clé pour y parvenir ?

 S’agissant des outils diagnostics, ce test diagnostic salivaire est en effet une innovation française et une première mondiale, reconnue par la Haute Autorité de santé et le ministère de la Santé. Ce test utilise les micro-ARN et l’intelligence artificielle, et présente des performances optimisées par rapport à l’imagerie et à la coelioscopie diagnostique. Sa fiabilité est supérieure à 95% et il offre une réponse sous 10 jours. L’intérêt serait de le mettre à disposition des professionnels de santé de première ligne, après l’écoute de symptômes évocateurs d’endométriose (dysménorrhée, douleurs pelviennes chroniques, douleurs à la défécation) et suite à une échographie non concluante. La rapidité et la qualité du diagnostic pourraient ainsi être grandement améliorées. 

"Le test diagnostic salivaire et les nouveaux traitements hormonaux vont à court terme modifier en profondeur la prise en charge de l’endométriose."

💬 Outre le test diagnostic salivaire, quelles sont les innovations en cours dans la prise en charge de l’endométriose ?

Sur le plan thérapeutique, nous attendons début 2025 la validation et le remboursement pour les patientes françaises de nouveaux traitements hormonaux, qui ont démontré leur bénéfice avec des niveaux de preuve élevés. Avec le nouveau test diagnostic salivaire prévu lui aussi en 2025, nous avons là deux innovations puissantes qui devraient à court terme modifier en profondeur la prise en charge de l’endométriose. La prévention de l’infertilité, le rôle de la médecine intégrative (diététiciens, kinésithérapeutes, ostéopathes, naturopathes…) dans la qualité de vie au quotidien, la compréhension fine de la maladie sont d’autres sujets d’avenir et de recherche. Quant à la chirurgie en endométriose, elle innove également avec des avis pris en comité pluridisciplinaire, des techniques mini-invasives et une recherche française à l’avant-garde.

💬 Aujourd’hui la grande majorité des gynécologues ne sont pas formés aux échographies pelviennes dans l’endométriose. Comment y remédier ? 

La stratégie nationale met en avant, dans son axe 2, la nécessité de renforcer la formation initiale et continue de l’ensemble des professionnels de santé concernés, quel que soit leur niveau d’expérience. Le besoin de formation se situe à tous les niveaux, de l’étudiant au médecin expérimenté, en matière de diagnostic de l’endométriose (lecture des examens d’imagerie), de gestion du traitement médical, d’accompagnement des douleurs et de gestion de la fertilité. J’insiste sur ce dernier point car 40 à 50% des patientes infertiles le seraient en raison de l’endométriose.  

💬 Comment selon vous optimiser des filières de soins endométriose sur les territoires ?

Pour améliorer le parcours de soins, deux points me paraissent essentiels. Le premier est la coordination des soins : il faut pouvoir donner à une patiente présentant des symptômes évocateurs d’endométriose, la possibilité de rencontrer sans délai les professionnels à même de poser un diagnostic et de la prendre en charge. Le second point est la pluridisciplinarité : au-delà de praticiens de première ligne sensibilisés et formés, il faut identifier des filières de soins aptes à répondre aux spécificités de chaque patiente. Nous pouvons prendre exemple sur d’autres pays en avance sur cette filiarisation, tels que l’Australie. 

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