Le Kezako du Dermato : la solution d'Anne Gresset-Chaussade aux défis de la formation des médecins généralistes en dermatologie

💬 Peux-tu te présenter en quelques mots et nous parler de ton initiative du Kezako du Dermato ?

Je suis dermatologue libérale installée depuis 21 ans, je travaille seule avec une assistante médicale en Bourgogne dans une ville de 25 000 habitants. J'étais, comme de nombreux médecins, sur la page du Divan des médecins sur Facebook. C'est un espace où chacun peut parler de choses personnelles ou de ses cas rencontrés au cabinet et qui leur posent problème. Il y avait énormément de dermatologie et, honnêtement, vu les cas publiés, je peux bien comprendre leur désarroi après un module en fac de 12 heures. Finalement, les médecins généralistes voient des choses plus compliquées car ils sont en première ligne. Nous, on arrive souvent un peu après la bataille, quand le tableau est complet et que des choses ont déjà été essayées ; et puis, avec nos délais, on ne voit pas autant de pathologies aigües. Bref, je me suis amusée à leur répondre pour les aider, et puis m’est venue l’idée, un soir de novembre, de créer le kezako du dermato. Une page uniquement dédiée à la dermatologie.

💬 Pourquoi as-tu ressenti le besoin de développer des formations à l'intention des médecins généralistes et de tous les autres professionnels de santé concernés de manière générale ?

Nos délais sont longs, il y a de moins en moins de dermatologues, notre accès devient compliqué. Le patient et le médecin sont dans le désarroi. Le temps et les places sont comptés pour se former. De plus, le format n’est plus forcément très adapté à la génération des jeunes médecins, à leur besoin , à leur emploi du temps.

💬 Les contenus que tu publies sur Invivox ont un énorme succès. Qu'est ce qui explique ce succès d'après toi ?

Je crois que c’est la façon dont j’ai changé un peu les codes et dépoussiéré la manière d’enseigner les choses qui a fait la différence. On peut apprendre et se marrer en même temps, ce n’est pas incompatible. Il n’y a qu’à regarder l’émergence des serious games dans le milieu de l’enseignement. Et puis, surtout, c’est de la formation pratico-pratique. OK, il y a des pathologies où, bien sûr, il faut aborder la physiopathologie pour la compréhension de la suite, mais même pour cela, il y a moyen de le faire de façon un peu moins universitaire.

En animant le Kezako, j’ai pu appréhender le niveau, les besoins, ce qui fonctionnait ou pas.

Et surtout, ce qui fait que ça marche, c’est l’interactivité entre eux et moi, les médecins généralistes, les spécialistes : un brainstorming permanent où chacun partage ses connaissances.

Kezako du Dermato
Kezako du DermatoQuiz révisions Kezako du Dermato. Vous vous grattez la tête sur les onychomycoses, l'acné, le molluscum contagiosum et j'en passe ? Je vous propose 29 cas patients pour réviser quelques fondamentaux de la dermato. Bon quiz !

💬 Selon toi quels sont les enjeux de la dermatologie en 2024 ?

Il y a une opportunité à ne pas manquer. L’arrivée de l’IA, le développement de la téléexpertise, les dermatoscopes connectés, tout cela représente une mine d'or qui peut transformer le marasme ambiant. Nous disposons d'outils et de moyens pour contrecarrer nos délais. On ne va pas se mentir… ça va être difficile pendant 10 ans : départs en retraite, pas assez de dermatologues formés pour les remplacer… Ils ont bien ouvert les vannes, mais il faut 10 ans pour former un dermatologue. Il va donc falloir être résilient et trouver des solutions, avec le sourire !

💬 Quel regard portes-tu sur l'interdisciplinarité en dermatologie et de manière générale ?

Pour moi, c'est primordial. Il faut arrêter de morceler les gens avec leurs problématiques par spécialités. Souvent, quand on prend le temps de synthétiser ce qui a été diagnostiqué par un confrère d’une autre spécialité, on se rend compte que le puzzle se construit. La dermatologie, c’est de la médecine interne. Beaucoup de signes cutanés nous mettent sur la voie de pathologies plus complexes ou qui font intervenir d’autres spécialités.

Mon rêve, ce serait comme sur le Kezako : plusieurs spécialités autour d’une table pour examiner un patient dans sa globalité et le même jour. On a eu de sacrées surprises sur le Kezako, avec des diagnostics complexes posés en 30 minutes quand tout le monde a activé son cerveau. J’adore cette médecine à la Dr. House, en plus humain.

💬 Quels sont tes futurs projets de développement de formation ?

Coupler l’IA au Kezako et le transformer en un manuel interactif où les médecins généralistes pourraient mettre la photo de leur patient afin de les orienter vers le bon diagnostic.

💬 Un dernier mot pour la route ?

Merci à vous, car je pense que vous m’avez permis de mettre un pied dans la formation, et je suis atteinte par le virus… Je n’aurais jamais cru… En fait, c’est la façon dont c’était fait jusqu’à maintenant qui ne me convenait pas. Nous avons le même ressenti sur l’idée qu’il faut changer les codes de l'enseignement, et nous avons de magnifiques outils en plus pour y arriver. Alors montons dans la fusée, et c’est parti pour l’aventure !!

Propos recueillis par Sabrina Amir - Directrice en charge des contenus chez Invivox et Marine Dalle - Content manager chez Invivox et ergothérapeute

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