Face aux carences en formation continue, les dentistes s'organisent

L’Académie Esthétique et Fonction propose une formation privée sur 2 jours, répartie en 4 sessions entre septembre et juin. Entre théorie et TD/TP, l’apprentissage de fond permet de travailler les modules de chez soi, d’acquérir une maîtrise de la vision globale des restaurations sur le plan esthétique et fonctionnel et de poser un diagnostic fiable et compréhensible pour le patient. La rentrée de la « 2ème promo » aura lieu les 09/10 septembre prochains à Aix-en-Provence.

Dr Jean-Christophe PARIS – Chirurgien-Dentiste, Président Fondateur de l’Académie du Sourire, Clinique du Visage à Aix-en-Provence

INVIVOX : Comment est née l’Académie Esthétique et Fonction ?

Dr Jean-Christophe PARIS : Elle est née de la rencontre de praticiens passionnés et expérimentés, André-Jean Faucher et moi-même, co-fondateurs de l’Académie du Sourire pour la partie esthétique et Jean-Claude Combadazou, président de la section française de l’International College of Cranio-Mandibular Orthopedics, pour la partie fonctionnelle. Son ambition passe par un enseignement rigoureux et la maîtrise de techniques modernes pour rétablir la complémentarité entre le sourire et la fonction chez nos patients. Pour nous, dentistes, la fonction et l’esthétique sont assez proches, avoir un beau sourire avec des dents alignées vont de paires. Tous les dentistes font de l’esthétique. Nous sommes partis du constat que les praticiens étaient un peu perdus faute du peu d’heures consacrées à l’enseignement universitaire en occlusodontologie. Nous avons donc décidé, fort de notre notoriété avec l’Académie du Sourire, de créer l’Académie Esthétique et Fonction qui offre une formation privée animée par nous trois et par le Dr Christophe Ghrenassia.

INVIVOX : Qu’est-ce que l’ Occlusodontologie Neuro-Musculaire ?

Dr J-C P : C’est la relation orthopédique craniomandibulaire permettant une contraction synchrone et suffisante des muscles manducateurs. La dysocclusion est définie comme une anomalie dans la prise de contact des surfaces occlusales, retentissant sur la contraction des muscles élévateurs et donc l’ancrage. La 1ère conséquence de la dysocclusion est une contraction anormale des masséters, soit par insuffisance de recrutement des unités motrices, soit par un asynchronisme du recrutement des unités motrices, soit les deux.

Ce concept est né aux États-Unis, il y a une quarantaine d’années, à l’initiative du Pr Jenkelson qui a développé cette technique neuromusculaire qui est en relation avec la kinésiologie et posturologie. Cette approche est très intéressante car elle remet les dents dans un contexte plus général : le corps. Au départ, j’étais sceptique, mais avec la pratique je me rends compte de son efficacité. Une dent mal placée peut entraîner des problèmes ailleurs. Cette formation permettra à nos confrères de déceler des cas très compliqués avec une stratégie pluridisciplinaire et de rendre service à des patients qui souffrent de maux qui vont au-delà du problème dentaire (douleurs cervicales, douleurs des épaules ou articulaires, acouphènes etc.).

INVIVOX : Qu’est-ce que l’esthétique en dentisterie ?

Dr J-C P : C’est la discipline qui permet d’obtenir une harmonie dentaire, qu’elles soient claires, alignées, en bonne santé également au plan gingival. Et au-delà, il y a les lèvres qui sortent du domaine du dentaire mais qui recouvrent les dents et sont donc également importantes. C’est pour cela que nous travaillons en concertation aussi avec des chirurgiens esthétiques et plastiques et des orthodontistes.

INVIVOX : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de mettre en place ces formations ?

Nous sommes parmi les premiers en France à proposer une formation de cette méthode grâce à Jean-Claude Combadazou qui est le grand spécialiste français. Basé à Toulouse, il ne compte pas moins de 600 correspondants notamment en médecine du sport, en ostéopathie, dans les services de chirurgie maxillo-faciale. Pour ma part, en tant que spécialiste du sourire depuis 30 ans, c’était vraiment important de terminer un sourire de manière harmonieuse et en amenant un meilleur confort au patient. C’est passionnant parce que le fait de pouvoir remettre les choses en place dans la bouche permet de retrouver un équilibre complet au niveau du corps. Par exemple, quand nous avons des patients qui souffrent de tensions et qu’avec des gouttières bien positionnées et réalisées, on arrive à les détendre, c’est vraiment une grande satisfaction.

"C’est une véritable passion de partager. Ma mère était institutrice et avec mes partenaires nous aimons nous présenter comme des instituteurs de la dentisterie. Savoir que ce partage va servir à des praticiens qui vont bien soigner leurs patients est vraiment satisfaisant."

INVIVOX : Quels obstacles rencontrent les praticiens dans leur pratique et quelles solutions trouveront-ils dans cette formation ?

Dr J-C P : Les jeunes praticiens n’ont malheureusement, faute de temps, quasiment aucune formation en occlusodontologie. À la faculté, ils n’ont que quelques heures par an, sur la base de principes traditionnels difficiles à maîtriser. Dans notre formation, simplement par quelques gestes faciles et pratiques, quelques connaissances via le questionnaire médical, on leur apprend déjà à faire la part entre le patient à risque et le patient qu’ils vont pouvoir soigner sans problème. Ensuite, par un enseignement pratique, grâce à des ateliers, de la réflexion en groupe, par des QCM, nous obtenons que les participants, à la fin de l’enseignement, sachent diagnostiquer exactement le problème de leurs patients et prendre la bonne décision. À savoir : est-ce que je vais augmenter la dimension verticale d’occlusion, est-ce que je vais faire des orthèses, de l’orthodontie, de la chirurgie maxillo-faciale, un meulage d’occlusion etc.

"L’enseignement initial, aujourd’hui, est juste un « permis de soigner », les praticiens sont obligés par la suite de se former à des techniques expertes difficilement enseignées à l’université."

INVIVOX : Généralement les participants arrivent avec des expériences différentes, des niveaux différents, comment vous adaptez-vous ?

Dr J-C P : L’enseignement est interactif et nous reprenons les bases. La plupart des participants découvrent la discipline. Nous nous adaptons aux niveaux et demandes. Ils découvrent un univers technologique à travers des électromyogrammes, des tracés enregistrés par ordinateur et des décontractions qui se font avec des tens. Tout est médical, normé et encadré. Les technologies numériques évoluent très vite d’où l’intérêt de se former dans un centre à la pointe de l’innovation.

INVIVOX : Quels sont les grands thèmes de cette formation ?

Dr J-C P : La session 1 est dédiée à l’approche esthétique et fonctionnelle globale et à la 1ère démarche diagnostique. La session 2 est focus sur le diagnostic avec les examens complémentaires et son établissement. La session 3 aborde le traitement occlusal avec les choix thérapeutiques et les orthèses. La session 4 est consacrée à l’esthétique post-orthèses avec tous les traitements qui découlent de l’analyse neuromusculaire.

INVIVOX : Quels seront les bénéfices à la fin de la formation pour les participants ? Comment cette formation va aider les chirurgiens-dentistes dans leur pratique régulière ?

Dr J-C P : Ils sauront mener le questionnaire médical, poser l’indication puis maîtriser tout un protocole de mise en place des tens, de l’électromyogramme, et du casque qu’ils vont maîtriser parfaitement. À l’issue de la formation, ils auront une vision à 360° des restaurations sur le plan esthétique et fonctionnel, ils sauront comprendre ce qu’ils auront observé et adapter la technologie adaptée à la fonction. Leur diagnostic sera fiable et compréhensible pour leurs patients. La mission de l’Académie Esthétique et Fonction est de former des spécialistes, ou à tout le moins des dentistes « occlusoconscients » à l’écoute de leurs patients.

INVIVOX : Quel équilibre entre théorie et pratique ?

Dr J-C P : 40 % vs 60 %.Chaque cours est suivi de l’application dans la salle de travaux pratiques. C’est là où les participants apprennent à faire des palpations musculaires et articulaires, des tests de force, de kinésiologie, le questionnaire médical (savoir écouter, savoir remplir, trouver des pièges, savoir détecter). Le but de l’occlusodontologie Neuro-Musculaire est le même qu’en médecine : profiler les patients. Il ne faut pas oublier qu’à la première consultation, il faut surtout écouter le patient pour petit à petit mieux le cerner. Après, il faut aussi apprendre à coller des électrodes, à interpréter des tracés, à positionner les différents appareils, à se servir des ordinateurs. Avec un peu d’expérience, nous sommes rapidement surpris des diagnostics qui deviennent clairs. Les participants s’appuient sur beaucoup de photos et de documents qui vont leur permettre de pouvoir profiler les patients. Une fois que le patient est profilé, nous savons exactement quel plan de traitement appliquer.

INVIVOX : Pourquoi avoir choisi ce type de format : plusieurs sessions à l’année ?

Dr J-C P : Nous avons organisé les sessions en fin de semaine afin que les participants puissent continuer à exercer en semaine et venir facilement à Aix-en-Provence. La quantité d’informations à intégrer est tellement importante qu’étaler les sessions nous a semblé bénéfique dans l’approche pédagogique.  C’est plus facile pour tout le monde car au bout de deux jours, la concentration n’est plus la même. Ce sont des formations privées, nous attaquons à huit heures pour finir à 18 heures avec moins d’1 heure pour déjeuner. Le programme est assez lourd. Ça permet aussi aux participants de revenir à la session suivante avec leurs questions.

INVIVOX : Pouvez-vous développez la partie TD/TP ?

Dr J-C P : Les participants passent plus de 60% de leur temps en TP et TD. Nos supports de cours sur ebooks comprennent des bibliographies, des listes de matériel, des exercices. Il y a donc des révisions à la maison avec des fiches cliniques plastifiées remise à chaque session qui permettent d’avoir des synthèses des cours. Les participants travaillent en atelier avec un instructeur qui leur met des problèmes sous les yeux qu’ils doivent résoudre eux-mêmes. Notre succès repose sur le fait que l’on a peu de cours magistraux mais que des cours par enseignement de résolution de problème.

INVIVOX : Quels moyens mettez-vous à disposition des participants ?

Dr J-C P : Nous disposons d’un amphithéâtre de 40 places avec une salle de travaux pratiques de 32 places. Nous sommes les seuls privés en Provence à être équipés du même matériel que les centres de soins (compresseur et aspiration) et à pouvoir travailler sur 50 postes comme à l’Hôpital de la Timone à Marseille. Nous sommes capables de filmer en live dans 16 pièces du centre que ce soit dans les cabinets dentaires, le laboratoire de prothèses, les salles de stérilisation et de préparation, les salles de chirurgie esthétique et les blocs opératoires. Nous avons une régie TV avec une équipe et 2 cabinets en live qui sont attenants à l’amphithéâtre. Des machines Myotronics sont mises à disposition des participants qui travaillent par groupe de huit maximum.

"Notre centre de formation organise 171 journées de cours par an sur de nombreuses disciplines dentaires. Nous sommes le premier centre privé en dentaire de France, dans ce type de formations pratiques."

INVIVOX : C’est la deuxième promotion de cette formation. Quels retours avez-vous eu lors de la première ?

Dr J-C P : Ce cursus plait. Les participants apprennent des aspects pratiques, identifiés, reproductibles, logiques. Les premiers retours sont positifs et la deuxième édition reprend les 9/10 septembre prochains.

INVIVOX : Quel est le public visé ? Jeune et confirmé ? Rayonnement local, national, international ?

Dr J-C P : Aussi bien les jeunes dentistes que les confirmés, français et étrangers. Les jeunes ont intérêt à suivre ce type de formation car elle les aidera tout au long de leur carrière. L’acquisition du matériel peut être un frein. Mon conseil est peut-être d’assister au masterclass de l’Académie du Sourire sur la fonction qui a lieu en juillet (comment déterminer un patient à risque occlusal en esthétique) pour se faire une idée avant de s’engager dans notre formation qui demande une certaine implication.

INVIVOX : Quels sont les pré-requis ?

Dr J-C P : Etre chirurgien-dentiste.

INVIVOX : Cette formation est-elle avant-gardiste ?

Dr J-C P : Nous sommes dans la même situation que lorsque nous avons lancé l’Académie du Sourire, il y a 15 ans ou quand je suis rentré des États-Unis, il y a 25 ans avec un diplôme de la New York University en esthétique : mes confrères me regardaient en souriant.  L’occlusodontologie Neuro-Musculaire fait encore sourire certains confrères sceptiques. Pour ma part, je suis désormais convaincu de son efficience. Pour preuve, je viens de faire l’acquisition d’un scanner numérique intra oral capable de filmer la bouche et de la reconstituer en 3D et d’une autre machine qui permet de reconstituer les arcades dentaires, les mâchoires et la mandibule en 3D et de les mettre en mouvement dans l’espace. Ce qui permet de capter le bon mouvement, de le visualiser, de le modéliser et de demander ensuite au laboratoire de nous faire des gouttières parfaitement adaptées. J’ai testé les premières en décembre dernier sur une patiente bruxomane hypertendue, l’ostéopathe m’a signalé qu’elle n’avait plus aucune tension au niveau du crâne et des cervicales et qu’elle se sentait revivre. Nous avançons aussi dans ces innovations numériques qui nous permettent d’aller plus loin, plus vite. Nous avons de nombreux partenaires industriels à l’Académie du Sourire et lorsqu’ils arrivent à Aix et qu’ils visitent le centre ou assistent à nos sessions, ils sont toujours très étonnés par nos infrastructures et notre approche innovante.

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